Ce texte représente une partie de l’article intégral publié dans la revue Pratiques Psychologiques, 2-2001 et dans La Lettre de la SFP numéro 39 d’octobre 2002.

Dana Castro*, Jean-Luc Mogenet**, et Benetta Pozzi, Nathalie Glatz, Carine Cardoso, Philippe Thiebault, Sandra Peinture***

* Société Française de Psychologie, 71, avenue Edouard Vaillant, 92100 Boulogne-Billancour
** Président de la Commission des tests de la Société Française de Psychologie, 71, avenue Edouard Vaillant, 92100 Boulogne-Billancourt.
*** Unité de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, Hôpital Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75013 Paris.

L’utilisation des tests doit-elle être réservée strictement aux psychologues ? Ou peut-on admettre l’intervention des personnes n’ayant pas cette qualité, mais ayant subi une formation à cet effet ? Un problème d’une telle importance, ne peut être résolu que par une réflexion menée au sein de la profession dans son ensemble.

C’est dans cette perspective, qu’en mai 1999, la Commission des Tests (CT) de la Société française de Psychologie (SFP) lance une grande enquête nationale dans le but de recueillir, sur cette question, les avis de nombreux psychologues exerçant dans différents domaines de la psychologie.

Un bref questionnaire, comportant 5 questions fermées, à réponses binaires (oui-non) a été élaboré dans ce sens. Il a pour but de :
– colliger les avis des psychologues sur la question de qui est habilité à faire passer des tests psychologiques ;
– et d’établir un lien entre l’exclusivité de l’utilisation des tests et leur contenu.

Le questionnaire a été largement diffusé par voie de presse, dans le bulletin interne de la SFP, La Lettre de la SFP, et par l’intermédiaire du Journal des Psychologues.

Au total, 403 questionnaires ont pu être exploités. Le dépouillement statistique a comporté essentiellement des statistiques descriptives (calcul des pourcentages).

Les principaux résultats sont les suivants :
– caractéristiques des répondants :
utilisateurs des tests psychologiques dans leur très grande majorité (93.12 %) ; exerçant dans le domaine de la clinique (61 %), du travail (17.01 %) ; de l’éducation (15.48 %) et autre (5.84 %) ; majoritairement des femmes (73 %) ; ayant une expérience professionnelles égale ou supérieure à 10 ans (58.85 %).
– caractéristiques des réponses : une très grande majorité de répondants pensent que les tests d’aptitudes, les tests d’intelligence, les questionnaires de personnalité et les tests projectifs, relèvent du domaine strict du psychologue. Pour les tests d’intérêts et valeurs et de psychomotricité, ils ne semblent pas, pour les répondants, relever du domaine strict du psychologue ; une très grande majorité de répondants estiment que l’interprétation et la restitution des données sont du domaine strict du psychologue, surtout pour les tests d’aptitudes, les tests d’intelligence, pour les questionnaires de personnalité et les tests projectifs. Ces répondants estiment qu’il n’est pas envisageable de confier leur utilisation à un non-psychologue, même si celui ou celle-ci a reçu une formation à l’interprétation et à la restitution des résultats ;
une grande majorité de répondants considèrent que si des non-psychologues devaient être formés à l’utilisation des tests, ce sont les universités et les associations de psychologues qui pourraient dispenser les formations les plus adéquates. In fine, la validation de ce type de formation incomberait aux psychologues formateurs.

On ne remarque pas de différence importante entre les réponses selon le champ d’exercice.

Peu de réponses qualitatives ont été obtenues à la suite de cette enquête. Il s’agit, tous champs confondus, d’une trentaine de commentaires, majoritairement issus des formulaires des psychologues cliniciens, commentaires qui pourraient se regrouper en trois catégories distinctes : prise de position contre l’utilisation des tests psychologiques par des non-psychologues basée sur des critères de formation et de responsabilité professionnelle ; analyse causale de la situation actuelle liée à l’absence de réglementation et aux ambiguïtés de la formation universitaire initiale et des propositions pour modifier cette situation.

Les résultats obtenus, tant quantitatifs que qualitatifs, montrent clairement que pour les professionnels de la psychologie, l’utilisation de certaines épreuves constitue de véritables actes psychologiques et de ce fait elles relèvent du domaine strict du psychologue. Les tests considérés comme des outils éminemment psychologiques sont les tests d’aptitudes, d’intelligence, de personnalité et les techniques projectives. Pourquoi ceux-ci ?

Parce que ces épreuves reposent toutes, sans exception, sur des théories ou sur un ou plusieurs modèles psychologiques, élaborés par cette branche des sciences humaines qu’est la psychologie. De surcroît, leur maniement implique la connaissance d’une série de savoirs spécifiques et fondamentaux (Castro, 2000) tels que les théories du fonctionnement et du développement humain, les théories de l’adaptation et de la psychopathologie, les modèles de la personnalité et de la psychologie sociale par exemple.

L’utilisation déontologique (dans l’intérêt de l’usager) de ce type d’instrument, suppose, donc, des niveaux élaborés de formation. D’une part, il s’agit d’un niveau  » généraliste  » relatif au fonctionnement et au développement de l’être humain tout au long des cycles de vie ainsi qu’à son adaptation aux différents contextes. D’autre part, il s’agit d’un niveau  » spécialisé  » relatif à une connaissance approfondie des théories ou des modèles qui sous-tendent la construction de tests.

L’utilisation déontologique des tests (dans l’intérêt des personnes évaluées) suppose donc un niveau de formation approprié, qui ne peut être atteint qu’à travers un cursus complet en psychologie.

La réalisation de cette enquête et la publication des résultats est une phase importante dans la clarification des différentes questions liées à la pratique des tests psychologiques en France.

Quelle serait maintenant l’étape suivante ? Vers une réglementation ? Si on s’accorde pour dire que la profession, par la voix d’un grand nombre de psychologues, considère en effet, que l’utilisation des tests relève de l’acte psychologique, cela conduit à faire adopter une réglementation restreignant l’utilisation de certains tests aux seuls psychologues (Mogenet, 2000).

Des solutions doivent impérativement être étudiées, en concertation avec l’ensemble des professionnels et les associations de psychologues, tout en tenant compte des aspects européens du problème.

Références bibliographiques
– Castro D. (2001). L’examen psychologique au moyen des tests : de la pratique professionnelle à la formation universitaire. In Les tests, éthique, validité, avenir. Le Journal des Psychologues, avril, 52-55.
– Mogenet, J.-L. (2000). Compte-rendu des travaux de la Commission des Tests, Sous-Commission Travail. Lettre de la SFP, n° 32, août 2000, 12-13.