LA SFP, MÉMOIRE ET AVENIR DE LA PSYCHOLOGIE FRANÇAISE. Une brève histoire de la Société Française de Psychologie.

Tout commence vers 1900 grace à T. Ribot et à Pierre Janet, la psychologie Française, alors l’une des plus vigoureuses mondiales, se constituait en discipline autonome, s’émancipant de la philosophie et de la médecine, entrant au laboratoire comme recherche expérimentale, pénétrant comme recherche pratique le terrain de la santé, et bientôt celui de l’école et du travail.

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Et pourtant déjà, des investigations ésotériques sur le psychisme occulte menacent la crédibilité de la jeune discipline. Pierre Janet décide alors d’établir une Société indépendante de savants cherchant uniquement à vérifier des faits. Sous sa présidence, la nouvelle Société comportant 40 membres tient sa première séance le 29 mars 1901. Le 4 avril, Vaschide et Piéron présentent une communication sur la télépathie. Les conclusions étant négatives, l’occultisme est définitivement écarté : la Société de Psychologie est née, s’affirmant d’emblée l’organe de défense et de promotion de la recherche expérimentale et pratique en psychologie. En 1941, elle s’appellera Société Française de Psychologie.

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Tout autant expérimentateur que praticien, Pierre Janet, qui ne concevait pas la psychologie sans une étroite collaboration de l’expérimentation et de la pratique, organise la Société de Psychologie de sorte que toutes les parties de la psychologie y soient représentées, depuis la psychologie physiologique jusqu’à la psychologie sociale et animale.
1. A partir de 1955, pour rester fidèle à cette vocation en s’ajustant au mieux à l’ampleur du développement de la discipline, la Société Française de Psychologie institue des Sections représentant les principales approches expérimentales et pratiques en vigueur : psychologie clinique, psychologie du travail, psychologie de l’enfant & de l’éducation, psychologie sociale, psychologie physiologique, psychologie expérimentale, psychologie & sciences cognitives (1987). La liste des spécialisations s’allongeant sans cesse, en 1991 la Société Française de Psychologie les regroupe au sein de 2 départements dotés chacun d’un Bureau, permettant dorénavant d’accueillir toute spécialité émergente : le Département de la Recherche en Psychologie (DRP, recherche expérimentale) et le Département des Applications et Interventions en Psychologie (DAIP, recherche pratique).
2. Cette même année (1991), la Société Française de Psychologie prend en charge un programme qui apparaît de plus en plus nécessaire à l’ensemble de la profession : le regroupement des organisations de psychologues, en nombre croissant. Les départements de recherche expérimentale et de recherche pratique sont donc complétés par un Département des Organisations Associées (DOA) : les associations de psychologues peuvent dorénavant adhérer à la Société Française de Psychologie, où elles bénéficient d’un espace d’expression et d’action à la fois autonome et collectivement soutenu, renforçant leurs capacités individuelles. 90 ans après sa fondation, ce tournant historique dans l’évolution de la Société augmente encore son dynamisme et sa représentativité nationale, le nombre de ses adhérents intégrant depuis lors tous ceux de ses organisations associées : avec environ 900 membres en 91, la Société Française de Psychologie en compte maintenant plus de 5.000, soit près du tiers des psychologues français. Le nombre d’organisations associées à la Société Française de Psychologie est en augmentation constante, illustrant au mieux la position de cette Société comme institution représentative de toute la psychologie française.

Créée par Pierre Janet au sein de l’Institut Général Psychologique, la Société Française de Psychologie publie ses premiers travaux dans le Bulletin de l’Institut Général Psychologique. En 1906, la Société se sépare de cet Institut, et ses publications sont alors accueillies par le Journal de Psychologie Normale et Pathologique, créé lui aussi par Pierre Janet (et G. Dumas) en 1904. Ensuite, les travaux de la Société Française de Psychologie seront publiés par L’Année Psychologique, la revue fondée par A. Binet. Au moment où l’introduction des Sections spécialisées multipliait le nombre d’articles, L’Année Psychologique ne pouvait plus assumer la surcharge de diffuser les travaux de la Société.
1. En 1956, la Société Française de Psychologie fonde alors sa première revue propre, Psychologie Française, manifestation de sa vitalité et de celle de la psychologie française. L’objectif de cette revue est d’apparaître le reflet exhaustif de l’activité des psychologues français dans toutes les branches de la discipline, et une publication de recherche contribuant à développer les échanges internationaux. Après 52 volumes publiés en 2007, Psychologie française est aujourd’hui une référence, diffusant les avancées de tous les domaines des sciences psychologiques.
2. En 1995, la création d’une deuxième revue, Pratiques Psychologiques, témoignera du dynamisme de la recherche pratique à la Société Française de Psychologie. S’adressant aussi bien aux chercheurs praticiens qu’expérimentalistes ou tous étudiants des sciences humaines, Pratiques Psychologiques publie des recherches appliquées originales, et des commentaires relatifs à la pratique de la psychologie, chaque numéro développant un thème illustré des différents champs de la psychologie.
3. En 2007 enfin, la Société Française de Psychologie lançait une troisième revue adaptée à la fois à son temps et à une certaine lacune de l’interface entre la recherche et la perception du public : premier en son genre, Les Réponses de la Psychologie constituent un média en ligne de diffusion des résultats de la recherche voué à répondre aux questions des non spécialistes.

A partir des années 50 se dessinent plusieurs priorités qui vont animer la Société Française de Psychologie jusqu’à nos jours : l’intégration au sein d’une union des sociétés nationales, la réalisation d’un code de déontologie, la protection du titre de psychologue puis de psychothérapeute.
1. Après la 2nde guerre mondiale, l’UNESCO encourage dans tous les domaines la constitution d’Unions Internationales groupant les Sociétés Nationales. L’Union Internationale de Psychologie Scientifique (International Union of Psychological Sciences : IUPsyS), constituée en 1951 lors du Congrès de Stockholm, réunissait les sociétés de psychologje de nombreux pays. La Société Française de Psychologie y représenta naturellement la France, une position encore confortée quand après Paul Fraisse dans les années 60, Michel Denis, membre de la Société Française de Psychologie, vient récemment d’exercer la fonction de Président de l’IUPsyS.
2. La réalisation d’un code de déontologie s’imposa dans les années 1950 comme préalable à la protection du titre de psychologue. Dès 1958 une commission de déontologie fut donc créée à la Société Française de Psychologie. La commission se réunira en 1958-1959 pour rédiger un code de déontologie, dont a première version fut publiée en 1960 dans Psychologie Française.
3. Avec l’approche des élections présidentielles de 1981, c’est par une commission commune de la Société Française de Psychologie et de l’Association des Enseignants de Psychologie des Universités (AEPU), que fut relancée dès 1979 l’action en faveur de la reconnaissance légale de la profession de psychologue, dans le but de protéger un titre par une formation reconnue par le public et le ministère. La Société Française de Psychologie et l’AEPU obtiendront la loi sur le titre de psychologue : grace aux efforts des deux organisations, les pouvoirs publics officialiseront une profession qui comptait 15.000 praticiens en France. Aboutissement des efforts conjoints de la Société Française de Psychologie, la loi n°85-772 de l’article 44 du 25 juillet 1985 est le premier texte officiel sur le titre de psychologue.
4. La mise en place du titre de psychologue en 1985, l’évolution des métiers et des enseignements de la psychologie, nécessitaient une refonte du Code de déontologie de 1960. C’est encore la Société Française de Psychologie qui s’y attela, avec l’AEPU et l’ANOP. Ratifié en séance plénière, le nouveau code fut produit le 22 juin 1996, co-signé des trois organisations. Aujourd’hui plusieurs associations ont rejoint les efforts de la Société Française de Psychologie pour l’actualisation constante de ce Code. La SFP participe au travail interorganisationnel en cours portant sur le code de déontologie des psychologues et sa réglementation sans recourir à un ordre professionnel (http://www.codededeontologiedespsychologues.fr/GiReDeP.html).
5. La réglementation du titre de psychothérapeute fut mise à l’étude dans la suite des travaux de la commission d’enquête sur les sectes, dont le rapport fut remis en 1995 à l’Assemblé Nationale. La loi fut votée en 2004, mais son application restait suspendue à la modification de l’article 52 portant sur la formation des psychothérapeutes : interlocuteur naturel du Ministère, la Société Française de Psychologie joue un rôle majeur dans les dernières révisions de cet article.

La Société Française de Psychologie a fêté son centenaire en 2001, après l’APA américaine et juste avant la British Society, les trois premières sociétés de psychologie des deux continents. Traditionnellement présidée par les grands noms d’une psychologie française longtemps phare de la scène internationale, la Société Française de Psychologie a su négocier l’internationalisation massive de la recherche en se dotant d’équipes rajeunies et réactives représentant tous les champs de la recherche expérimentale et pratique. Acteur majeur sur tous les fronts passés et actuels, des savoirs aux institutions, tels encore la VAE ou ICAP-2014 (voir les actualités), mémoire et avenir de la psychologie française, la Société Française de Psychologie est depuis plus d’un siècle la structure qui oriente et accompagne tous les renouveaux de notre discipline.

I. Saillot, d’après S. Nicolas / autorisation : Histoire de la psychologie française, 2002, Ed. InPress.